Festival Amani, serait-ce une prédication dans le désert ?

Article : Festival Amani, serait-ce une prédication dans le désert ?
Crédit: Amani Festiv
10 février 2023

Festival Amani, serait-ce une prédication dans le désert ?

La neuvième édition du Festival Amani a été officiellement lancée ce vendredi 10 février 2023. Alors que les huit précédentes éditions de cette festivité culturelle et artistique se sont déroulées dans la ville de Goma, cette année, pour des raisons sécuritaires au Nord-Kivu, la cérémonie a été délocalisée dans la ville de Bukavu. La grande célébration culturelle de la région de Grands Lacs, est célébrée cette année sous le thème : « le bénévolat au service de la communauté ».

Pendant trois jours, dans les enceintes de l’Athénée Royal d’Ibanda, plusieurs artistes venus des quatre coins du monde presteront devant des centaines des milliers des jeunes passionnées de la musique et de l’art. Déjà depuis le premier jour, la population de Bukavu a témoigné de son hospitalité à l’égard de ses hôtes, précurseurs de la paix dans notre pays, la République Démocratique du Congo.

Ce vendredi 10 février, plusieurs artistes ont pris la parole devant un public motivé et assoiffé de la bonne musique. La première journée a été notamment marquée par la prestation de l’artiste Master B Shako, célèbre pour son style comique dans ses compositions, Papy Kero, le protagoniste de la rumba swahiliphone en RDC.

Mais dans la foulée, le carton plein de cette première journée a été joué par Innoss B, un artiste congolais et internationalement reconnu pour ses compositions. Monté sur scène le dernier, ce jeune talent, faisant la fierté de la ville de Goma, s’est facilement communié avec un public amoureux de sa musique, un public qu’il découvert pour la première fois.  

Bukavu aime la musique, Bukavu aime l’art, Bukavu croit en la paix

C’est la curiosité culturelle des habitants de la ville hôte qui a marqué la première journée du festival Amani. Venues de tous les coins de Bukavu, toutes les couches de la population ont répondu, par leur présence, à ce grand rassemblement culturel dans leur ville. Le gouverneur de province, la société civile, la représentation estudiantine, des organisations des jeunes entrepreneurs et bénévoles…, même la pluie qui s’est abattue sur le site de la cérémonie et sur toute la ville, n’a pas empêché les habitants de Bukavu à célébrer et chanter la paix.

Cette réalité, combinée à celle du Festival du Rap et du Slam, FESTIRAS, tenu à Bukavu en juillet 2022, démontre combien les habitants de Bukavu aiment la musique. Et parce que la musique est l’une des voies par lesquels on peut exprimer des idées et ses passions, Bukavu croit qu’au travers cette pratique, les artistes prêcheraient un message de paix et d’unité. C’est ce que nous ont dit les jeunes rencontrés à l’Athénée Royale d’Ibanda, à l’occasion du Festival Amani. Des jeunes attendent que cette cérémonie soit un pas vers la paix dans plusieurs endroits de la RDC.

Un festival pour la paix… dans un contexte de guerre à l’est du pays

Alors que le festival Amani se déroule actuellement dans le chef-lieu du Sud-Kivu, des questions sur les raisons de sa tenue depuis neuf ans se posent en coulissent. Habituellement tenu dans la ville de Goma, ce rendez-vous culturel s’est tenue dans la ville de Bukavu. Pour cause, la province du Nord-Kivu, comme toute la partie est du pays, est victime des attaques des groupes armés, et cela depuis des décennies. La situation est devenue beaucoup plus préoccupante que les organisateurs du festival ont jugé mieux tenir ce rassemblement à Bukavu, ville voisine.  

La question que l’on se pose, c’est celle de savoir l’importance de la tenue d’une célébration qui prône la paix, alors que cette paix désirée reste une hypothèse pour la population. Si le festival Amani est appuyé par des organisations internationales, il est évident que la situation qui prévaut à l’est de la RDC depuis plus de 25 ans n’est ignorée par personne. Ainsi donc, comme l’a démontré l’artiste Papy Kero, le silence de la communauté internationale face aux meurtres perpétrés en RDC est considéré comme une complicité. Des centaines des milliers des paisibles citoyens ont été tuées, et la situation ne fait que s’empirer du jour au lendemain.

A quoi sert un festival de paix, alors qu’on n’a pas la paix ? L’une des stars vedettes de ce premier jour, Innoss B, n’a pas mâché les mots. Devant le public et en présence du gouverneur de province, Théo Ngwabidje Kasi, représentant légal du président de la Répubique, l’artiste congolais a porté la voix de tout le peuple congolais, dénonçant les tueries dont sont victimes des innocents. « Tuna ckoka na vita, tuna choka na mauwaji, tuna choka na bongo yenu….» ; dans une langue facilement perceptible par tous, Innoss B a fait savoir au monde entier que le peuple congolais est fatigué, fatigué de tout. Au travers de cette voix, un appel est lancé à toutes les partis prenants, pour que la paix au Congo ne reste plus un mythe.

Tout doit changer !

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Commentaires

Julien Kadakala
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Thanks for this ❤️

Idriss Lufungulo
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Je suis très émerveillé par ta plume mon très cher ami.
Pascal Cinamula, un garçon pourvu d'une intelligence aiguë et d'une réflexion mûrie. Bravo frère.

Germain Bonvu
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Merci de cet article.
Comme son nom l'indique, ce festival Amani a prêché la paix vu la situation actuelle de la partie est de la République démocratique du Congo. Ce festival a été non seulement pacifique mais aussi satirique car, mettant au vu de toutes les communautés, nationales qu'internationales leur complicité; celle de ne pas prendre acte de ces massacres perpétrés... Une partie devenue sombre.
Félicitations cher Pascal de cet écrit👆

Justin Muhindo
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Tu fais un bon boulot frère
Courage