Bukavu : Les constructions anarchiques, un défi majeur de l’urbanisation ?

Article : Bukavu : Les constructions anarchiques, un défi majeur de l’urbanisation ?
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1 octobre 2022

Bukavu : Les constructions anarchiques, un défi majeur de l’urbanisation ?

Dans mon récent article, j’ai évoqué les effets néfastes des déchets ménagers sur l’environnement, dans un monde où les perturbations climatiques ne laissent personne indifférent. J’ai cité l’exode rural comme étant l’une des causes principales de la gestion des déchets dans les pays en développement en général, et dans la ville de Bukavu en particulier. Mais gestion calamiteuse des déchets dans ma ville ne sont toute fois pas les seules retombées de l’exode rural.

Le président provincial de la Nouvelle Dynamique de la Société Civile, Adrien Zawadi, reconnaît que ce déplacement massif des populations, venant des huit territoires que compte la province du Sud-Kivu, est aussi à la base des constructions anarchiques dans la ville de Bukavu. En effet, nul besoin de rappeler à la face du monde, l’état de lieu de la situation sécuritaire à l’Est de la RDC. Cette situation n’épargne pas ma province, le Sud-Kivu. Et comme dans d’autres régions de cette partie du pays, les grandes agglomérations des provinces demeurent le lieu de refuge pour des milieux d’habitants des zones où la sécurité bat son plein, surtout dans les plateaux de Minembwe, Fizi, Kalehe, pour ne citer que celles-là. Et tout ceci ajouté à la situation socio-économique de l’ “intérieur”, les citoyens à la recherche de l’équilibre, telle que prêchée par Claire Pignol, n’ont pas d’autre solution que se réfugier soit à Uvira (deuxième ville du pays), soit à Bukavu, abandonnant ainsi leurs domiciles et vendant leurs champs.

Voilà comment les rues de la ville de Bukavu sont inondées, du jour au lendemain, des habitants vénus des quatre coins de la province. Des habitants qui éprouvent des besoins de survie, l’habitation faisant partie de plus primaires. C’est ainsi que sont nés des bidonvilles chez nous, ce qui est devenu aujourd’hui, malheureusement, un véritable casse-tête pour les autorités provinciales du Sud-Kivu.

Bukavu, une ville unique de son genre !

Vue aérienne de l ville de Bukavu (Source : Ministère du tourisme RDC)

Ville administrative et commerciale, Bukavu est le chef-lieu et la grande agglomération de la province du Sud-Kivu. C’est une ville merveilleuse et unique, de part son climat, sa diversité culturelle et ethnique. Les édifices construits depuis l’époque coloniale, existants encore aujourd’hui, font que la “ville montagneuse” porte encore jusqu’aujourd’hui le nom de “ville coloniale”. Oui, ces immeubles que vous pouvez contempler dans cette collection d’images, font encore la beauté et la spécificité de Bukavu.

La Mairie de Bukavu, construite à l’époque coloniale (Source : Bukavu Explorer)

Créée à l’époque coloniale, pour des raisons administratives, Bukavu, dénommée à l’origine Costermansville, par les belges, était créé pour être le chef-lieu de toute la région du Kivu (démembré aujourd’hui en trois provinces, à savoir le Maniema, le Nord-Kivu, et le Sud-Kivu). Mais la multiplicité des atouts offerts à la ville ne lui a nullement permis de se rehausser sur les plus hauts échelons. Alors que la réalité climatique et la diversité des réflexions sont aujourd’hui des éléments moteurs développement de plusieurs pays, elles sont devenues pour ma ville, l’origine de la descente aux enfers.

Conçue avec une superficie de 44,9 kilomètres carrés pour abriter plus ou moins 45 000 habitants, Bukavu s’étend aujourd’hui sur 60 kilomètres carrés, et regorge une population avoisinant les 1,2 million d’habitants en ces jours.

Et autant la population est grande, autant la politique de leur gestion est remise en cause. Le décret du 20 juin 1957 sur l’urbanisme prévoit notamment des modalités d’aménagement des territoires et villes après un délai précis selon le cas. La ville de Bukavu n’a jamais bénéficié de cette politique d’urbanisation depuis longtemps, pour ne pas dire, depuis sa création. Pendant ce temps, alors que le code foncier de la RDC interdit, en son article 25, l’octroie des lieux d’habitations sur des sites non aedificandi, la vente des parcelles à Bukavu se fait de manière très illicite.

Cette faible implication des autorités compétentes fait que les populations s’installent sans contrôle, construisent anarchiquement, et se débrouillent pour survivre. S’en suivent la naissance des bidonvilles, la dégradation de la beauté de la ville, vue sur la disposition des maisons dans les avenues et aux alentours de la ville, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la population urbaine : les éboulements de terre, la gestion déplorable des déchets, les incendies difficilement maîtrisables, faute de concentration des appartements entre eux…

Un débat sur l’urbanisme, et la quête des solutions urgentes

Image prise dans la salle de l’Institut Français de Bukavu pendant le débat (Source : Institut Français)

Faisant suite au constat sur le désordre observé dans le secteur de construction, l’Institut français de Bukavu a organisé, en date du 29 septembre 2022, un débat sur l’urbanisme et les constructions anarchiques. Cette initiative a été stimuli par le géologue Dieu-Merci BAZIBUHE, producteur d’un film sur les constructions anarchiques dans la ville de Bukavu. L’objectif pour le réalisateur était d’appeler la population à la responsabilité sur la construction dans la ville de Bukavu. Il voulait que les autorités compétentes travaillent en collaboration avec les habitants pour trouver des solutions communes.

Les participants au débat (Source : Institut Français de Bukavu)

Mouvements citoyens, étudiants et enseignants, toutes les couches sociales étaient représentées à ces échanges portant sur la problématique autour des constructions anarchiques. Des échanges qui ont connu la participation des experts en architecture, à l’image de Dag Bousten, architecte et doyen à l’Université Catholique de Louvain et professeur à l’Université Catholique de Bukavu. Le conseiller du ministre provincial de l’urbanisme et habitat, Patient JABARI, et le représentant du maire de la ville de Bukavu étaient également présents.

A l’issu de ce débat, plusieurs pistes de solution ont été soulevées par les participants. Au delà des mesures déjà prises par le gouvernement provincial, celles de démolition des maisons érigées sur des sites impropres à la construction, l’architecte belge Dag Bousten, lui, plaide pour la prise en compte des projets pilotes portés par les jeunes comme solutions palliatives. Selon ce spécialiste en architecture, la délocalisation de la ville de Bukavu n’est pas nécessaire, puisqu’il existe des villes dix fois plus peuplées que Bukavu, mais qui connaissent moins de problèmes démographiques.

Pour sa part, Léo Cheko, militant écologiste, pense qu’il serait nécessaire que l’on imite le modèle des villes comme Kigali ou encore Bujumbura. Des villes qui ont le même climat que Bukavu, mais qui connaissent moins de problèmes d’urbanisation. Léo Cheko pense que les autorités devraient réfléchir sur des solutions de base axées sur la gestion des déchets, et la mise en place des réglementations de construction, dans une ville où plus de la moitié des maisons demeurent des chantiers éternels.

Plusieurs autres recommandations étaient formulées, telles que reprises dans la vidéo publiée sur la page Facebook de l’Institut Français de Bukavu.

Mais au-delà de ces recommandations, il est nécessaire que la population soit sensibilisée sur les méfaits des constructions anarchiques. Ces méfaits peuvent être résumés dans le concept “catastrophes naturelles”, alors que c’est nous-mêmes qui en sommes auteurs, d’une manière ou d’une autre.

Bukavu peut être la ville la plus modern du pays, il suffit d’en prendre conscience et d’agir ! C’est mon opinion.

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Commentaires

Julien Kadakala
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Cette belle ville de Bukavu, mérite d'être réparer au plutôt possible

ELIE Djibril
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Bonjour monsieur Pascal Cinamula.Merci pour tes innovations majeures dans ton carrière du journalisme.Le temps où tes collègues restent derrière les hommes politiques pour mendier aumoin toi tu te concentre aux recherches enfin d'inove de plus ta carrière et donne un sens d'écoute à nous tes auditaires.Courage et va plus loin encore.